
31 Août Raymond Eddé raconte la naissance de son bébé : Le secret Bancaire libanais
Avant d’écrire cet article, j’ai cherché sur internet des références sur la chronologie de la naissance du secret bancaire libanais, mais je n’ai rien trouvé sur la période qui a précédé le dépôt du projet de loi au parlement en 1954. A ce jour je n’ai rien lu à ce sujet, étonnamment.
Dès lors, il devient de mon devoir de fixer sur papier, ce que Raymond Eddé m’a raconté au hasard d’une discussion, quelques années avant son décès. N’ayant pas pris de notes ce jour-là, ni plus tard, je cite de mémoire ce qui va suivre :
A 34 ans en 1947, Raymond Eddé, jeune avocat, était en déplacement pour affaires à Neuchâtel en Suisse, en visite à l’un de ses clients. Dans le Lobby de l’hôtel, le Beau-Rivage peut être, il y avait à disposition des clients, des brochures et des feuillets commerciales, sur le comptoir de la réception. Parmi lesquels, un papier qui vantait les bienfaits du secret bancaire sur l’économie suisse, et qui prétendait en plus : « que si la Suisse a été épargnée durant de la deuxième guerre mondiale, ce n’était pas en rapport avec son armée aux effectifs élevés, ni en relation avec ses montagnes réputées infranchissables, mais plutôt grâce à son secret bancaire. »
Le futur Amid du Bloc National a été interloqué par cette affirmation, et il glissa ce papier étroit et longiligne dans la poche de son veston, qu’il utilisa plus tard comme marquepage, au bord du bateau qui le ramènera à Beyrouth.
Le Livre qui l’accompagna dans son voyage de retour, garda secrètement le marquepage dans ses entrailles, pendant plusieurs années. Il est resté debout, silencieux, en compagnie de plein d’autres livres, à proximité immédiate de son propriétaire dans la bibliothèque.
Pour la campagne électorale des législatifs de 1953, Raymond Eddé s’est activé avec toute l’énergie que nous lui connaissons, pour préparer des idées nouvelles, afin de moderniser le pays. A la recherche d’un cahier judiciaire dans sa bibliothèque, Al-Amid a pris dans ses mains le fameux livre, sans raison particulière, et voilà que le marquepage qui se libère enfin, pour contribuer grandement à ce qui est devenu un formidable moteur d’expansion économique au Liban.
Le Amid se cria « Wajatouha » ce qui veut dire « Eurêka ».
Raymond Eddé s’est inspiré de la loi Suisse sur le secret bancaire pour créer « le sien de secret bancaire », comme il disait, mais il l’a voulu plus draconien. Il a introduit dans la loi, l’interdiction aux militaires de lever le secret bancaire sur les comptes bancaires des citoyens, même en cas d’état d’urgence. Raymond Eddé avait sollicité dans ses travaux préparatoires, l’aide de l’ambassade de Suisse à Beyrouth, qui lui a fait parvenir le texte de la loi, ainsi que la jurisprudence et la littérature juridique de l’époque, qui s’y rapportaient. Le député Eddé fraichement élu en 1953 a présenté son projet de loi en 1954. Le texte a été adopté au parlement, non sans difficulté, et promulgué par le Président Camille Chamoun en 1956.
En 1961, Raymond Eddé avait complété la loi sur le secret bancaire par une loi sur le compte-joint. La mise en place du secret bancaire au Liban lui a valu l’appellation d’origine très connue :
La Suisse de l’Orient.
A ce jour je ne sais toujours pas comment le secret bancaire suisse avait épargné à mon second beau pays, la Suisse, les affres de la guerre mondiale. Mais bon, si Marque Page le disait, nous lui faisons confiance.
Elie Hanna
No Comments