Comment le taux de couverture élevé du 2ème pilier peut-il vous être fatal?

Actuellement, 95% des caisses de prévoyance professionnelle privée en Suisse (connues sous l’acronyme LPP ou 2ème pilier) ont en moyenne un taux de couverture de 113% (chiffres de 2017). A première vue c’est rassurant, mais ne vous réjouissez pas trop vite, car cette bonne nouvelle pourrait causer votre perte.

Les performances souvent positives des caisses de pension ne sont pas dues au génie tout relatif des gérants de fortunes des caisses, mais aussi grâce aux licenciements et au roulement naturel des employés (entrées/sorties).

Prenons l’exemple théorique d’une caisse possédant une fortune de 113 millions et un taux de couverture de 113% appartenant à parts égales aux cent salariés de l’Entreprise. En cas de licenciement de 5 salariés et de départ naturel de 5 autres dans la même année (ils s’en vont avec 100% de leurs épargnes), ils abandonneront, selon la loi, leur couverture excédentaire, faisant grimper le taux de couverture de la caisse à 114,40%

Ce système est injuste car les gérants des caisses du 2ème pilier prennent d’énormes risques sur la fortune totale des assurés, alors que les salariés partent avec le minimum légal. Quand un salarié décède sans laisser de veuf/veuve ni d’enfants à charge, son pactole reste dans la caisse, et le taux de couverture explose à la hausse. L’adage ; « le malheur des uns fait le bonheur des autres » trouve ici sa meilleure application.

Dans un monde idéal, les employés devraient avoir un mot à dire sur le profil de risque auquel ils acceptent d’être exposés. Aujourd’hui, environ 33% des avoirs des caisses de pension sont placés dans les bourses du monde entier et 32% dans les obligations. Beaucoup d’argent des assurés a été converti en monnaies étrangères sans leur consentement, et environ 8% est placé dans des fonds hautement spéculatifs qui portent ce délicieux nom de « fonds alternatifs », excessivement chers en frais de gestion, et qui perçoivent en plus des frais de performances quand celles-ci sont positives.

Le remplacement des anciens salariés de 50 ans et plus par des jeunes débutants n’a pas vocation à rajeunir l’âge moyen des salariés ; cela n’intéresse personne. Cette stratégie sert avant tout à soutenir les taux de couverture des caisses du 2ème pilier.

Est-ce que cette logique se mêle aux politiques de licenciement et d’embauche ? Le doute est permis. Dans les banques Genevoises par exemple, depuis plusieurs années déjà, il est rare de croiser, en-dehors des puissants détenteurs de clients, un employé de plus de 61 ans. Si j’avais écrit « de plus de 59 ans », certains lecteurs risqueraient de ne pas me croire, même si, en réalité, c’est au-delà de 57 ans qu’il faut une loupe pour en trouver.

Moralité ; si vous n’appartenez pas à la caste des hauts responsables ou au club de la jeunesse éternelle, vous êtes susceptible de subir un jour ou l’autre une discrimination, découlant d’un problème indépendant de votre bonne volonté et qui s’appelle « Vieillesse »!

Le salarié devrait avoir le droit de changer de caisse (si elle est excédentaire) à tout moment, sans demander l’avis de son employeur, pour contourner un risque réel de son propre licenciement.

Faut-il pour autant préférer d’être salarié de sociétés dont les caisses de pension sont sous-capitalisés ? Bien sûr que non, car si l’insuffisance de couverture perdure dans le temps les salariés pourraient être amenés à renflouer leurs caisses.

L’existence d’environ 1’700 caisses de prévoyance du 2ème pilier profite avant tout aux banques, assurances, auditeurs, conseillers, actuaires, gestionnaires de fortunes, etc. qui prélèvent en honoraires, coûts de services et frais de Gestion chaque année plus de 5 milliards sur les mille milliards de francs que représentent le total des avoirs de prévoyance LPP. Un franc sur 41 dans les caisses de pension privées dans le monde entier appartient à un actif qui travaille en Suisse ou à un retraité Suisse.

Ce fractionnement en petites caisses, parfois minuscules, permet surtout une double emprise de la part de l’employeur sur le sort de son employé, qu’il soit actif ou retraité. Dans un pays à tendance libérale, la moindre des choses serait de laisser un peu de liberté aux employés.

S’il n’y avait, à part les caisses gouvernementales et des grandes entreprises, qu’une centaine de caisses qui ne se différencient les unes des autres que par le profil de risque dans la Gestion des avoirs, les frais de Gestion tomberaient de plus que 5 milliards actuellement à 1,5 milliards par an. Une économie de 35 milliards de francs sur 10 ans serait la bienvenue dans le royaume des taux d’intérêts négatifs.

Mais il ne faut pas rêver. La refonte totale du système n’est pas programmée pour demain.

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